Premier bilan de la loi sur la réduction du temps de travail
La ministre de l'Emploi et de la Solidarité a présenté, le 20 mai dernier à Mantes la jolie, un pré bilan de la loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail (RTT). Moins d'un an après son vote, cette loi a impulsé un mouvement de négociations sans précédent en France avec des premiers résultats significatifs. Ce pré bilan nourrira la préparation de la seconde loi, qui sera discutée au Parlement à l'automne prochain.
La dynamique des négociations
Plus de 4 000 accords conclus à ce jour, qui couvrent plus de 1,1 million de salariés ; 5 750 conventions d'appui conseil aux entreprises qui déboucheront prochainement sur de nombreux autres accords. Le bilan de la première étape de la négociation d'entreprise est riche tant qualitativement que quantitativement.
La loi du 13 juin 1998 est en application depuis bientôt un an. Elle a déjà permis un large mouvement de négociations dont le Gouvernement a tiré, avant même la réduction de la durée légale, un premier bilan. Il sera complété par d'autres études actuellement en cours et permettra d'éclairer la préparation de la seconde loi qui sera débattue au Parlement à l'automne.
En termes de nombre de salariés concernés par les accords, la loi du 13 juin 1998 présente un rythme très différent de la loi du 11 juin 1996 (loi Robien) : 1 142 000 salariés concernés par les accords d'entreprise ; 4 318 000 par les 32 accords de branche déjà étendus (plus de 8 millions si on tient compte des 69 accords de branche).
Ces salariés et leurs organisations syndicales mettent l'accent, dans les négociations, sur l'obtention de temps libre, réparti selon les aspirations de chacun. Il s'agit également de créer ou préserver le maximum d'emplois.
Pour les entreprises, plusieurs logiques cohabitent : meilleure adaptation des rythmes d'activité de l'entreprise à ceux de la demande ; rationalisation dans l'organisation de la production ; renouvellement et rajeunissement des effectifs; diversification des compétences...
Enfin, pour ceux qui sont à la recherche d'un emploi, ces accords se traduisent par des opportunités d'embauches synonymes souvent de sortie de l'isolement, de la précarité.
Autre enseignement de cette année de négociations, dont la durée moyenne varie de 6 à 9 mois : le large assentiment des organisations syndicales et des salariés dans l'entreprise. 90 % des accords sont signés à l'unanimité des organisations syndicales présentes dans l'entreprise. Le mandatement a également permis d'étendre la dynamique de négociation aux entreprises dépourvues de délégués syndicaux : 60 % des accords ont été signés par un salarié mandaté.
Souvent, des référendums d'entreprise ont été organisés pour s'assurer de l'approbation des salariés.
SONDAGE
Selon un sondage IPSOS effectué les 23 et 24 avril 1999 :
â 85 % des salariés passés aux 35 heures déclarent être satisfaits.
â 86 % y voient un bénéfice pour la vie personnelle et familiale.
â 74 % pour l'épanouissement personnel.
â 68 % pour l'organisation des horaires.
â 81 % déclarent que l'accord signé correspond à ce qu'ils souhaitaient.
L'impact sur l'emploi
Les formes de réduction du temps de travail sont très variées. Elles reflètent à la fois les aspirations des salariés et les contraintes des entreprises : journées plus courtes, réduction hebdomadaire par journée ou demi-journée, alternance de semaines courtes et longues, jours de repos supplémentaires sur l'année, ponts ou jours fériés additionnels... L'année est souvent retenue comme cadre de référence, indiquent les analyses d'accords.
Le niveau de salaire a été maintenu pour 85 % des salariés et pour 100 % des salariés au Smic.
Neuf nouveaux embauchés sur dix ont, par ailleurs, été traités aux mêmes conditions salariales que les anciens employés, montrent les accords.
Quant aux cadres, ils sont concernés par la majorité d'entre eux, parfois avec des modalités spécifiques (congés supplémentaires ou compte épargne-temps).
Réduction de la précarité
Depuis le 13 juin 1998, 57 000 emplois ont été créés ou préservés. La proportion est de trois emplois créés pour un sauvegardé.
Les accords bénéficiant de l'aide incitative, avec une réduction moyenne du temps de travail de 4 heures, ont créé ou préservé plus de 8 % d'emplois (la loi prévoyait 6 %). Les trois quarts des embauches sont en contrat à durée indéterminée (CDI).
Les autres accords (surtout les grandes entreprises privées et publiques dont les horaires étaient déjà inférieurs à 39 heures) ont réduit la durée de travail de 2h30 environ et créé ou préservé 3,4 % d'emplois.
Au total, l'effet moyen sur l'emploi est de l'ordre de 5 %. Depuis l'annonce de la loi, le 10 octobre 1997, 70 000 emplois ont été créés ou sauvés.
La RTT a aussi un impact qualitatif sur l'emploi : elle contribue à une réduction sensible de la précarité en transformant de nombreux contrats à durée déterminée (CDD) ou d'intérim en CDI.
Quant au financement des nouvelles embauches ou des emplois préservés, il est assuré par : les économies en capital du fait d'une meilleure utilisation des équipements et d'une réduction des stocks ; faisant suite au maintien du salaire, la modération ou le gel des augmentations étalées en général sur deux années ; les allégements de cotisations sociales patronales contenues dans la première loi.